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Jean-Luc Melenchon : un homme d’Etat pour la France et pour l’Europe ?


Nombreux sont ceux, nous en faisons partie, qui assistent avec un mélange de surprise et de ravissement à l’entrée sur la scène politique française et européenne de Jean-Luc Melenchon. Il était  temps que la nécessaire indignation devant la régression sociale ait enfin une expression politique qui fasse choc. Il était temps que soit comblé l’absence d’une vision à long terme et qu’une perspective de transformation soit ouverte. Dans cette campagne présidentielle faite de chamailleries de cour d’école, Jean-Luc Melenchon s’est mis à hauteur d’Histoire. Il était temps.

 

Comme membre d’EELV nous sommes particulièrement sensibles à l’idée de planification écologique. Nous ne comprenons pas que certains puissent y voir une sorte de pale copie de la planification à la sauce soviétique. Nul ne nie que la crise actuelle tant économique et financière, qu’énergétique et climatique va nécessiter dans des délais courts une transformation de nos modes de produire, de vivre et de consommer. Comment imaginer que cette transition puisse se faire avec des mécanismes de régulation inchangés, avec les seules forces du marché ou le recours à des gadgets technocratiques ? Il faudra, comme à d’autres moments clés de l’Histoire,  recourir à des interventions publiques décisives, c’est-à-dire concertées et fermes, afin de réellement réorienter dans la bonne direction l’énorme navire de l’économie productiviste et financiarisée . C’est pourquoi le concept de planification écologique est d’une grande pertinence aussi bien historique que pratique. Nous y souscrivons pleinement.

 

Un bon concept ne suffit pas. Il va falloir donner à la planification écologique une forme opérationnelle.  Si débat il doit y avoir c’est sur l’«ingénierie» de mise en œuvre du concept, qui mérite d’être sérieusement précisée, ce n’est certainement pas sur son principe qui est incontournable. Critiquer le principe c’est raisonner avec des critères de refus poujadiste de l’Etat ou alors se rallier au néo-libéralisme et au laisser faire. Or nous allons avoir besoin de l’Etat. Reste à savoir de quel Etat. Certainement pas une lourde bureaucratie, plutôt un Etat novateur, ouvert, transparents et créatif, globalement mobilisateur et localement participatif. L’Etat qui aujourd’hui nous fait défaut.

 

Une autre option historiquement d’une grande justesse est le choix clair et net affirmé par Jean-Luc Melenchon de réinjecter réellement de l’égalité dans la société française, d’y préserver et d’y renforcer les solidarités. Il faut en finir avec l’utilisation des dépenses de protection sociale et de santé comme autant de variables d’ajustement macro-économiques afin de contenir la dette. Si nous devons changer notre type de développement ce n’est pas seulement pour faire face aux menaces énergétiques et climatiques c’est aussi pour demeurer une société soucieuse d’humanité et de partage fondée sur ces biens collectifs essentiels que sont l’éducation, la culture, et la protection sociale qui nous a été léguée par le conseil national de la résistance. Sans ces acquis sociaux les développements de l’après guerre n’auraient pas été possibles.Sans le maintien et le développement du «welfare», c’est-à-dire d’un haut niveau de progrès social, nous ne parviendrons certainement pas à mener à bien la transition écologique ou alors celle ci se fera sur le mode de la régression et de l’exclusion.En finir avec les excès consuméristes et le productivisme aveugle, oui. Enfermer les plus faibles dans la misère, leur faire payer les coûts de la crise et perdre le goût du progrès, non. De la décroissance par la pauvreté et de la réduction du temps de travail par le chômage nous ne voulons pas

 

En dépit de la gravité de la crise il n’est pas possible de se contenter de mesurettes ou de compromis avec l’ordre actuellement dominant, on doit lui opposer la capacité de rupture d’une vision sans faiblesse fondée sur la prééminence de l’humain, d’un enthousiasme partagé et d’une inlassable énergie organisationnelle fondée sur la solidarité. La reconstruction de l’après-guerre: aurait-elle été possible sans une politique de revenus ? Aurait-elle été possible si le plan Marshall de relance de l’économie européenne de l’époque avait consisté non pas en des prêts à très bas taux d’intérêt et en des dons mais en des plans d’austérité ruinant les populations et les entreprises ?

 

On objectera aux écologistes que le PCF, allié de Jean-Luc Melenchon, est  favorable au nucléaire. En réalité, Jean-Luc Melenchon, clairement opposé au nucléaire, se trouve dans une situation guère différente de celle des dirigeants d’EELV qui doivent compter avec l’attachement au nucléaire de nombreux socialistes et non des moindres. Il faudra, nous propose-t-il, qu’il y ait un vaste débat, ouvert, et transparent. On peut se féliciter de ce que la proximité de Jean-Luc Melenchon avec le PCF puisse rendre ce débat particulièrement fructueux. Pourquoi le PCF qui a beaucoup évolué sur bien d’autres sujets ne changerait-il pas aussi sur le nucléaire ?

 

La grande question est de savoir si Jean-Luc Melenchon saura transformer l’essai, qu’il soit élu, ce qui serait fabuleux, ou que, comme c’est le plus probable, il soit le troisième homme de la course. Dans le premier cas il lui faudra disposer d’une majorité. Dans le second cas il lui faudra consolider le front de gauche, avoir des députés afin de continuer à rallier les français et de peser sur les choix du nouveau gouvernement de gauche si François Hollande est élu et, bien plus encore, s’il fallait combattre le maintien aux commandes du gouvernement actuel.

 

Il est dommage que Jean-Luc Melenchon n’ait pas plus «européanisé» sa campagne en organisant des meetings avec le recours d’internet et celui des écrans géants simultanément dans toutes l’Europe.Avec les militants de «Die Linke» en Allemagne, avec le peuple grec à Athènes et avec les «indignés» en Espagne.Casser les spéculations de la finances, mettre au pas les banques, anéantir les rémunérations «obscènes», se débarrasser de la dette indigne suppose un changement de cap radical de la construction européenne. Cette européanisation de la lutte politique et sociale se produira certainement si le succès de Jean-Luc Melenchon est suffisamment éclatant . D’autres échéances en France et en Europe permettront d’aller de l’avant. 

 

Le danger pour Jean-Luc Melenchon serait qu’il connaisse, une fois l’élan de l’élection retombé, l’isolement qui a été celui du troisième homme de 2007, à savoir François Bayrou. Sarkozy a su acheter les alliés du béarnais à coups de portefeuilles ministériels. Ce sera plus dur pour le PS de récupérer le PCF qui sait bien avec l’expérience des années Mitterrand ce qu’il lui en a couté de participer à un gouvernement où il jouerait les seconds rôles et cela pour mener, aux yeux de tous les français, une politique de reniement. A la différence de François Bayrou Jean-Luc Melenchon n’est pas un solitaire se croyant prédestiné à une destinée de sauveur de la nation, aussi respectable que soit une telle intime conviction. Jean-Luc Melenchon est un responsable d’aujourd’hui, c’est-à-dire un facilitateur qui entraine et qui porte la parole du groupe sans cependant placer celui-ci dans une position de dépendance inconditionnelle à son égard.Il a su se faire entendre, rendre moderne la force des symboles autour desquels s’est formé notre idée collective de la République, de la France et de l’universel.Nous apprécions son refus de tout culte de la personnalité, son rejet de la théâtralité publicitaire inspirée des grandes réunions politiques américaines avec leurs «pom-pom girls», leurs fans et leurs groupies hystériques que MODEM, PS, et UMP mettent si complaisamment en première ligne lors de leurs «shows». La Bastille c’est autre chose que ce marketing sans contenu contraire à la Raison et qui dégrade la citoyenneté.

 

La transformation de l’essai, d’ores et déjà magnifique, est indispensable. C’est au regard de cet enjeu que nous saurons si Jean-Luc Melanchon a, ou non, la trempe d’un homme d’Etat.Nous espérons que oui, nous en faisons le pari. La façon dont le fondateur du front de gauche a réussi jusqu’ici son parcours témoigne d’une capacité d’écoute, de rassemblement mais aussi d’une détermination et d’une force de conviction qui sont hors du commun. Il a d’ores et déjà manifesté en cela quelques unes des principales qualités de l’homme d’Etat. La force de Melenchon est d’avoir quelque chose à dire. Certains ne veulent pourtant voir en lui qu’un simple tribun auquel ils concèdent, certes, un talent exceptionnel. Ils oublient que les qualités du tribun, c’est-à-dire le sens et la maîtrise du verbe pour communiquer la vision, font justement partie des qualités attendues d’un homme d’Etat. Cela est tout particulièrement vrai en période de tempête où il convient de bien entendre la voix du capitaine malgré les rugissements du vent et la fureur de la mer.

 

Marine le Pen ne constituant plus un risque comme en 2002 le vote en faveur de Jean-Luc Melenchon nous paraît donc utile et responsable. Que François Hollande ne soit pas en tête au premier tour n’est pas un problème. En quoi ce rang de second avait-il desservi Mitterrand affrontant Giscard en 1981 ? L’important ce seront les reports au deuxième tour. Ils seront d’autant plus décisifs qu’ils pèseront lourds, autrement dit qu’ils brideront la tentation de combinaisons trop faciles avec des formations de centre droit désireuses de sauver les privilèges. D’aucuns craignent que Jean-Luc Melenchon ait un effet répulsif à l’égard des centristes. Rappelons qu’il est arrivé que communistes, centristes, socialistes et gaullistes se sont trouvés dans le même gouvernement. C’était à la Libération. Ce fut pour installer, non sans tensions bien sûr, l’Etat Providence que les conservateurs veulent abattre pour cause de dette souveraine.

 

Cela étant dit pour des adhérents d’EELV comme nous le sommes voter Jean-Luc Melenchon est douloureux parce que  ce choix revêt le caractère d’une sorte d’injustice à l’égard de la courageuse Eva Joly et cela d’autant plus que le programme des verts est excellent même s’il ne prévoit pas de planification écologiste. Il faut être réaliste. Il y a les indications des sondages dont on voit mal comment elles pourraient s’inverser. Du coup c’est toute la construction de l’accord des écologistes avec le PS pour les législatives qui est fragilisée, quoique en dise François Hollande. Aujourd’hui le plus grand danger que courent les écologistes c’est de se retrouver dans la position du MRG.Ils auront, certes, quelques ministres et sans doute une poignée de députés, cela même si l’accord avec le PS devait être revu à la baisse. Mais ces députés seront les otages du PS comme le sont, depuis longtemps, les rares élus du MRG. Les écologistes devraient rejoindre le Front de Gauche, en devenir une composante convaincante.Il faut qu’un dialogue s’instaure. Il faut se parler, il faut que surgissent des points de contacts et de réflexion partagée sans se laisser aliéner par les patriotismes d’appareil.

 

De tous les moments de notre modeste expérience politique celle-ci est la plus stimulante, la plus marquée par le sentiment que des enjeux historiques majeurs la surplombent. C’est aussi la plus déchirante à vivre parce que la politique n’est pas seulement faite de rationalité, il y a aussi une part d’affects et, nous ne le cachons pas nous aimons bien EELV, cette formation exubérante et singulière, d’une fraicheur atypique.

 

Alain de Romefort                                                               Sylvie Goutte-Nesme

Le programme d’EELV Eva Joly – programme

Le programme du Front de Gauche :  Programme FRONT DE GAUCHE docs-pg-humain_dabord